Ce récit choral et intimiste s’inscrit dans une actualité brûlante et met en voix la
réalité des personnels qui oeuvrent au sein de l’hôpital : un quotidien caractérisé par la difficulté de pallier le manque de moyens matériels et humains.
Une situation mise en lumière et exacerbée par la pandémie de covid.
Une littérature de terrain, entre documentaire et fiction :
Depuis quinze ans, Caroline Girard intervient dans plusieurs hôpitaux parisiens avec La
Liseuse, compagnie de lecture à voix haute qu’elle dirige. À la demande d’une soignante,
elle a recueilli la parole de nombreux personnels hospitaliers ébranlés physiquement et psychiquement par cette crise larvée et cette pandémie sans précédent.
Elle s’est associée à l’écrivain Franck Magloire pour qu’ensemble ils donnent à entendre ces
voix dans toute leur diversité et leur complexité. De ce geste à la fois littéraire et politique, est née l’écriture de ce livre puis sa publication. Une nécessité impérieuse de réveiller les consciences, tant individuelles que collectives, sur l’état actuel de l’hôpital.
L’hôpital ne se réduit pas au monde des soignant∙es ; il incorpore aussi des métiers méconnus et des travailleurs de l’ombre : logisticien, agent de traitement des déchets, agente de la chambre mortuaire...
C’est à partir de 35 témoignages, de 70h d’enregistrement audio, et sans jamais trahir la parole recueillie que les deux auteurs ont composé cette fresque polyphonique, réalisant un travail de réécriture, de montage et d’assemblage pour aboutir à un récit sensible, fluide et littéraire. Récit qui se présente comme une mosaïque de voix, portées par un flux unique évoquant la justesse du choeur antique.
Variant les rythmes et les tonalités, les auteurs sont parvenus à restituer toute une palette
d’émotions et de sentiments, le rythme haletant et oppressant des journées de travail qui n’en
finissent pas, l’urgence des gestes à réaliser qui ne laisse plus de place à la réflexion, la crainte
de ne pouvoir faire face, mais aussi et surtout la passion de soigner. L’évocation de tranches
de vie plus intimes offre au récit des respirations inattendues. En outre, il n’exclut ni l’humour, ni le rocambolesque.
Le lecteur découvre des portraits sensibles et vivants de femmes et d’hommes mus par un engagement sans faille.
Les gens ont toujours l’impression que l’hôpital tient, mais en fait l’hôpital ne tient pas. Qu’est-ce qui faisait qu’avant on criait déjà ? s’interroge un soignant.
L’hôpital public est depuis trop longtemps en sursis, sa mission ne perdure qu’au prix du sacrifice de ses agent∙es.
Les hospitaliers est un hommage à leur combat quotidien.
EXTRAIT
" Soigner est une passion, un moteur qui fonctionne tout seul, nul besoin d’argent là-dessus. La plupart des soignants se font payer avec un lance-pierre, sans reconnaissance, sans valorisation, avec la seule satisfaction d’apaiser, de solutionner, de partager le poids de la vie, d’offrir aux gens un certain niveau de compétences et de soins. Mais pour supporter la pression, il faut à un moment donné baisser la charge.
On fait le sacrifice de ne plus voir ses parents, sa famille, ses amis, tous ceux qu’on aime. On a un très gros service, assez lourd, assez violent ; sur la même garde on s’habille et se déshabille vingt-cinq fois, on intube trois malades. Les lendemains de garde, on ne sait plus trop comment on s’appelle, on est marqués, usés, littéralement séchés.
Une maladie médiatique a stoppé le monde entier. Les gens ont toujours l’impression que l’hôpital tient, mais en fait l’hôpital ne tient pas. Qu’est-ce qui faisait qu’avant on criait déjà ? "