St Margaret's Road

 

Derek Munn

 

Octobre 2024

«Angleterre, fin du XXe siècle. Parce qu’il ne trouve aucune raison de refuser la proposition, le narrateur devient auxiliaire de nuit dans un hôpital psychiatrique. Veuf, il habite un bungalow avec jardin près de la mer, ses enfants passent à l’occasion des vacances. À l’hôpital, il rencontre une patiente, Clare ; ils se parlent.

 

St Margaret’s Road est un roman d’atmosphère, l’ambiance est anglaise : l’attention au petit jardin, à la proximité de la mer, aux promenades le long de la côte, à la lenteur des jours. L’écriture de Derek Munn a le pouvoir de transmettre les sensations, les odeurs, les matières, l’épaisseur de l’air, les bruits furtifs que font les voisins. La lumière changeante colore la nature et les lieux, ses variations indiquent le passage du temps. 

 

Dès les premières pages, le lecteur pénètre dans une ambiance étrange, où ce qui a lieu est à la fois très ordinaire mais parfaitement déroutant. L’apparition de Clare dans l’hôpital, « folle » fantomatique pourtant très incarnée, le dialogue qu’elle provoque avec le narrateur, font du lecteur un témoin qui guette le moment où tout va basculer. Alors même que le narrateur affecté par la disparition de sa femme s’immerge dans des souvenirs que font ressurgir des images : un tableau, des photographies, la tension reste constante, tient en alerte.

 

Le roman alterne le récit du narrateur sur cette période de sa vie, le deuil, son amour pour sa femme, la région où ils se sont installés, ses relations aux enfants, aux petits-enfants, et les dialogues avec Clare dans la nuit de l’hôpital. Ils parlent de leur vie, de l’incommunicabilité des êtres au-delà des apparences. La question de la folie, de ce que ce mot recouvre, de ce qu’il porte comme violence dans la relégation infligée aux malades, est abordée avec profondeur et finesse. 

St Magaret’s Road est le nom de la rue où Clare a habité avec des compagnons énigmatiques que le narrateur rencontre. Clare va bouleverser sa vie d’une manière imprévisible qui vient clore le récit sans le fermer : un gouffre s’ouvre, sans réponse pour le dépasser, mais sur un choix qui reste à faire. 

 

Roman très visuel, St Margaret’s Road se déroule dans un clair obscur où la vérité est sans cesse à questionner. La langue est poétique et limpide, la narration poignante jusque dans les descriptions des instants minuscules de l’existence. On en sort bouleversé par les tragédies intimes qui se révèlent et aussitôt replongent dans ce qu’il faut dissimuler pour que la vie, encore un peu, soit possible.