YELLOW POWER

 

Amy Uyematsu 

 

Anthologie bilingue

établie et traduite de l'américain par le collectif Passages

 

Mars 2025

37 poèmes d'Amy Uyematsu

 

Anthologie coordonnée par Nicole Ollier, Lhorine François,

Sophie Rachmuhl et Jeffrey Swartwood

 

 

Figure fondatrice du mouvement Yellow Power, Amy Uyematsu est une poétesse japonaise-américaine sansei emblématique de la scène poétique de Los Angeles. Son militantisme indéfectible contre le racisme, le sexisme et toute forme de discrimination s’impose au sein d’une poésie sensorielle et spirituelle.

La poésie d’Amy Uyematsu, jusqu’à présent inédite en France, explore des thèmes personnels à portée universelle (la famille, l’expérience de la maternité, le corps) mais sonde également un pan d’histoire américaine méconnu : l’internement de milliers de nippo-américains durant la Seconde Guerre mondiale.

Dans ses œuvres résonne la blessure éternelle de ses ancêtres ; une plaie ouverte qui se transmet de génération en génération et qu’Amy Uyematsu tente de cicatriser à travers une poésie puissante, subtile et empreinte d’humour, en s’adressant d’abord aux siens, puis à elle-même, depuis « l’intérieur de notre silence ».

 

 

Ce livre s’adresse à un public curieux des minorités ethniques et de leur combat, et sensible à une langue simple accueillant pourtant la complexité du monde. 

EXTRAIT

The Ten Million Flames of Los Angeles

-a New Year’s poem, 1994

 

     

I’ve always been afraid of death by fire,

I am eight or nine when I see the remnants of a cross 

burning on the Jacobs’ front lawn,

seventeen when Watts explodes in ‘65,

forty-four when Watts blazes again in 1992.

For days the sky scatters soot and ash which cling to my skin

the smell of burning metal everywhere. And I recall 

James Baldwin’s warning about the fire next time.

 

Fires keep burning in my city of the angels,

from South Central to Hollywood,

burn, baby, burn.

 

In ‘93 LA’s Santana winds incinerate Laguna and Malibu.

Once the firestorm begins, wind and heat regenerate 

on their own, unleashing a fury so unforgiving

it must be a warning from the gods.

 

Fires keep burning in my city of the angels, 

how many does it take,

burn, LA, burn.

 

Everybody says we’re all going to hell.

No home safe

from any tagger, gangster, carjacker, neighbor. 

LA gets meaner by the minute

as we turn our backs

on another generation of young men, 

become too used to this condition

of children killing children.

I wonder who to fear more.

 

Fires keep burning in my city of angels, 

but I hear someone whisper,

Mi angelita, come closer.

 

Though I ready myself for the next conflagration, 

I feel myself giving in to something I can’t name. 

I smile more at strangers, leave big tips to waitresses, 

laugh when I’m stuck on the freeway, content 

just listening to B.B. King’s “Why I Sing the Blues”

 

Mi angelita, mi angelita.

 

I’m starting to believe in a flame 

which tries to breathe in each of us, 

I see young Chicanos fasting one more day 

in a hunger strike for education,

read about gang members preaching peace in the ‘hood’,

hear Reginald Denny forgiving the men 

who nearly beat him to death.

I look at people I know, as if for the first time, 

sure that some are angels. I like the unlikeliness 

of this unhandsome crew - the men losing their hair, 

needing a shave, those with dark shining 

eyes, and the grey-haired women, rage

and grace in each sturdy step.

What is this fire I feel, this fire which breathes freely

inside without burning them alive?

 

Fires keep burning in my city of angels,

but someone calls to me,

Angelita, do not run from the flame.

Les dix millions de flammes de Los Angeles

 - Poème du nouvel an, 1994

 

     

J’ai toujours eu peur de la mort par le feu,

j’ai huit ou neuf ans quand je vois les restes d’une croix

se consumer sur la pelouse des Jacob,

dix-sept ans quand le quartier de Watts se révolte en 65,

quarante-quatre quand Watts s’embrase à nouveau en 1992.

Des jours durant, le ciel disperse suie et cendres qui collent à ma peau,

partout l’odeur du métal brûlant. Et me revient

l’avertissement de James Baldwin : la prochaine fois, le feu

 

Sans cesse des incendies font rage dans ma ville des anges, 

de South Central à Hollywood,

brûle, ma belle, brûle.

 

En 93, les vents de Santana à LA réduisent Laguna et Malibu en cendres.

Une fois la tempête de feu commencée, le vent et la chaleur s’entretiennent 

tout seuls, déchaînent une fureur si implacable 

que ce doit être un avertissement des dieux.

 

Sans cesse des incendies font rage dans ma ville des anges,

combien en faut-il,

brûle, L A, brûle.

 

Tout le monde dit qu’on va tout droit en enfer.

Pas une maison à l’abri

d’un tagueur, gangster, braqueur de voitures, voisin.

LA se fait plus cruelle chaque minute 

dès lors que nous tournons le dos 

à une autre génération de jeunes hommes,

nous accommodons trop de cette condition 

d’enfants tueurs d’enfants.

Je me demande qui craindre le plus. 

 

Sans cesse des incendies font rage dans ma ville des anges,

Mais j’entends quelqu’un murmurer,

« Mi angelita, approche-toi ».

 

Même si je me prépare au prochain embrasement,

j’ai le sentiment de céder à quelque chose que je ne peux nommer.

Je souris plus aux inconnus, laisse de bons pourboires aux serveuses,

ris quand je suis coincée sur l’autoroute, contente

d’écouter B.B. King chanter Why I Sing The Blues

 

« Mi angelita, mi angelita ». 

 

Je commence à croire en une flamme

qui essaie de respirer en chacun de nous.

Je vois de jeunes Chicanos qui jeûnent un jour de plus

lors d’une grève de la faim pour leur éducation,

je lis que les membres des gangs prêchent la paix dans les quartiers,

j’entends Reginald Denny pardonner aux hommes

qui l’ont presque battu à mort.

Je regarde des gens que je connais comme si c’était la première fois,

sûre que certains sont des anges. J’aime le côté improbable

de cet équipage malgracieux — d’hommes perdant leurs cheveux,

d’autres mal rasés, d’autres encore aux yeux noirs

brillants, et de femmes grisonnantes, la rage

et la grâce dans chaque pas vigoureux.

Quel est ce feu que je ressens, ce feu qui respire librement

à l’intérieur sans les brûler vivants ?

 

Sans cesse des incendies font rage dans ma ville des anges,

mais quelqu’un m’appelle,

« Angelita, ne fuis pas la flamme ».


Parution le 25 mars 2025 / Prix public : 20 € 

 

Prix de souscription à 17€

(+ 3€ de participation aux frais de port)

jusqu’au 24 mars 2025. 

  

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